Trump contre le Venezuela, par Jonathan Guiffard

Dans une nouvelle analyse publiée sur la plateforme Expressions de l’Institut Montaigne, Jonathan Guiffard, chercheur associé GEODE et à l’Institut Montaigne, décrypte la doctrine et la stratégie militaire que les États-Unis semblent désormais préparer contre le régime de Nicolás Maduro.
Un Venezuela perçu comme un adversaire stratégique total
Aux yeux de l’administration américaine, le Venezuela cumule tous les attributs d’une menace prioritaire : régime marxiste ouvertement anti-américain depuis l’ère Chávez, liens étroits avec la Russie, l’Iran et la Chine, rôle supposé dans les réseaux de narcotrafic, proximité géographique directe avec les États-Unis et exode massif de sa population vers l’Amérique du Nord.
Dans cette perspective, le régime Maduro incarne la convergence de menaces régionales, idéologiques, sécuritaires et migratoires, et devient une cible stratégique à neutraliser, une logique que Stephen Miller a explicitement comparée à la lutte contre l’État islamique.
La matrice idéologique de la stratégie Trump
Guiffard rappelle que la stratégie de Donald Trump puise dans une vision singulière de l’histoire américaine.
Si la doctrine Monroe (1823) visait initialement à empêcher les puissances européennes de recoloniser l’Amérique latine, sa réinterprétation par les présidents William McKinley et Theodore Roosevelt à la fin du XIXᵉ siècle en a fait un instrument d’expansion impériale : contrôle de Cuba, annexion d’Hawaï, prise de Porto Rico ou des Philippines, construction du canal de Panama.
C’est cette période que Trump admire et mobilise, valorisant McKinley comme architecte d’une Amérique protectionniste, conquérante et sûre de sa puissance. Dans ce cadre idéologique, l’hémisphère occidental redevient une priorité stratégique, et le Venezuela, allié de puissances rivales, apparaît comme une cible légitime d’intervention.
Vers une opération militaire d’ampleur ?
Depuis août 2025, les États-Unis ont commencé à frapper en mer des navires soupçonnés d’appartenir à des cartels, une manière, selon Guiffard, de poser les fondations politiques, juridiques et opérationnelles d’une intervention plus large.
Le prépositionnement massif de troupes dans les Caraïbes laisse penser que Washington prépare une campagne structurée en plusieurs phases :
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frappes aériennes et navales, destinées à neutraliser les défenses antiaériennes vénézuéliennes ;
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raids de forces spéciales, pour cibler dignitaires du régime ou infrastructures stratégiques ;
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actions clandestines et opérations informationnelles, menées par la CIA et le Cyber Command, pour fragiliser l’appareil politico-militaire ;
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hypothèse d’un déploiement amphibie de marines, si un changement de régime tarde à s’opérer.
Guiffard établit un parallèle avec la guerre de Libye (2011), mais note que si ces frappes ne suffisent pas, la situation pourrait dériver vers un scénario à la manière de la guerre du Golfe (1991).
L’opération serait complexe : le Venezuela est vaste, peut compter sur le soutien politique de la Russie, de la Chine ou de l’Iran, et une intervention risquerait d’alimenter une insurrection durable ou une crise régionale majeure.
Un risque de guerre mondialisée
Pour le chercheur, le Venezuela pourrait devenir un nouveau front dans un conflit global diffus entre puissances occidentales et puissances autoritaires (Russie, Chine, Iran, Corée du Nord, Venezuela).
Cette intervention, façonnée par une lecture impériale du rôle des États-Unis et par une idéologie obsédée par la sécurisation de l’hémisphère occidental, pourrait ainsi ouvrir un nouveau chapitre de ce qu’il nomme des « guerres mondialisées ».


