L’infrastructure numérique, outil d’affirmation du pouvoir russe dans l’espace post-soviétique, avec Louis Pétiniaud

Dans un article publié pour Analyse Opinion Critique, le géographe et docteur de l’IFG, Louis Pétiniaud, analyse la manière dont la Russie fait des infrastructures numériques un levier central de sa puissance dans l’espace post-soviétique. Loin de se limiter aux cyberattaques ou aux opérations d’influence, Moscou mène depuis plus d’une décennie une véritable entreprise techno-politique de souveraineté informationnelle, fondée sur la maîtrise des câbles, datacenters, protocoles et points d’échange Internet, ainsi que sur un cadre juridique et technique permettant le filtrage, la surveillance et la redirection du trafic.
Le « Runet souverain » : un réseau national contrôlé et centralisé
L’auteur revient sur la loi du « Runet souverain », adoptée en 2019, qui marque une étape majeure dans ce tournant infrastructurel. Ce dispositif associe recentralisation technique, contrôle politique et capacité d’isolement du réseau national en cas d’« urgence ». Il repose notamment sur l’installation de dispositifs TSPU utilisant la Deep Packet Inspection, permettant à Roskomnadzor de bloquer ou ralentir des services comme Instagram, Facebook ou YouTube.
Depuis 2025, les blocages locaux d’Internet mobile se multiplient, mettant en lumière la manière dont la Russie parvient à territorialiser précisément ses pratiques de contrôle du réseau.
Ukraine occupée : une domination numérique systémique
Dans les zones ukrainiennes sous occupation, la stratégie russe se fait encore plus brutale. L’intégration forcée des infrastructures locales aux opérateurs russes, notamment via le fournisseur d’occupation Miranda-Media, transforme l’architecture du réseau en un outil d’occupation.
Le trafic sortant et entrant est redirigé vers des infrastructures russes surveillées, les plateformes ukrainiennes ou internationales sont bloquées, et les habitants se voient encouragés, voire contraints, à utiliser des cartes SIM russes.
Cette prise de contrôle numérique accompagne et renforce l’emprise administrative et militaire de la Russie.
Asie centrale : une dépendance structurelle héritée
L’article souligne également que plusieurs les États d’Asie centrale demeurent largement dépendants des interconnexions russes. Leurs routes physiques comme logiques d’accès à Internet transitent majoritairement par le territoire russe, reflet d’un héritage soviétique et d’une forte consommation de contenus en russe.
Cette dépendance fragilise leur autonomie informationnelle et pourrait, en cas d’isolement du réseau russe face aux sanctions occidentales, les couper partiellement d’Internet.
En conclusion, Louis Pétiniaud montre que comprendre le pouvoir russe nécessite d’analyser ses réseaux, ses infrastructures et ses choix techniques. Loin d’être neutres, ceux-ci deviennent des instruments de domination, de surveillance et de dépendance, au cœur des dynamiques géopolitiques contemporaines.
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