Les fabriques diplomatiques syriennes, avec Manon-Nour Tannous

Entre 2011 et 2014, alors que la Syrie s’enfonce dans la guerre, un autre champ de bataille s’ouvre : celui, moins visible mais tout aussi stratégique, de la diplomatie. Dans son article publié dans Critique internationale, Manon-Nour Tannous, docteure en relations internationales et professeure à l’Institut Français de Géopolitique, s’attache à « enrichir la compréhension de la guerre civile syrienne à l’aune des fabriques diplomatiques de ses différents acteurs ».
La chercheuse part du constat que la crise syrienne, par sa violence et son internationalisation rapide, bouleverse les équilibres diplomatiques et reconfigure les relations internationales. Elle montre comment se construisent les dispositifs de représentation diplomatique concurrents : d’un côté, un État affaibli par la contestation cherchant à préserver le monopole de la représentation ; de l’autre, une opposition en construction en quête de reconnaissance internationale, multipliant les contacts pour se légitimer.
Manon-Nour Tannous mobilise le concept de « voix concurrentes » pour mettre en lumière la coexistence de plusieurs acteurs aspirant à incarner la voix de la Syrie sur la scène internationale, ainsi que celui d’« ordres en compétition » pour décrire les tensions entre des systèmes diplomatiques rivaux. Son analyse s’appuie sur une enquête mêlant entretiens avec des diplomates syriens, dissidents et étrangers, ainsi que sur l’étude d’archives du ministère français des Affaires étrangères, du Foreign Office britannique et des archives de la révolution syrienne.
Souhaitant approfondir la compréhension de cette guerre à travers la notion de « fabrique diplomatique », l’analyse met en lumière la compétition entre des ordres diplomatiques distincts. Ce prisme révèle la diplomatie non comme un cadre institutionnel figé, mais comme un processus de négociation permanente de légitimité, un espace mouvant de recompositions, de ruptures et de redéfinitions du pouvoir. Loin d’un jeu à somme nulle, Manon-Nour Tannous montre comment compétences, loyautés et légitimités s’entrecroisent, et comment diplomates du régime et de l’opposition redéfinissent, chacun à leur manière, leur « périmètre d’action » sur la scène internationale, espérant convaincre leurs interlocuteurs qu’eux seuls incarnent l’avenir de la Syrie.
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