Le Kremlin s’en prend à WhatsApp et à la littérature, avec Kévin Limonier

Dans l’émission Tout un Monde de RTS, Kévin Limonier, professeur des universités à l’Institut français de géopolitique et co-directeur du laboratoire GEODE, décrit une Russie où la notion d’« extrémisme » est devenue une arme politique flexible, et où la censure s’étend des écrans aux rayons des librairies.
Pour le chercheur, l’idéologie au pouvoir en Russie est volontairement floue et adaptable : presque tout peut être qualifié d’extrémiste, ce qui permet au gouvernement de justifier un contrôle omniprésent, tant numérique que culturel.
Contrôle des communications et pression implicite
Le Kremlin ne se limite pas à criminaliser les contenus extrémistes sur Internet : il cherche aussi à orienter les outils de communication. Les applications nationales comme Yandex ou MAX, cette dernière pensée pour remplacer WhatsApp et Telegram, sont encouragées par l’État. Mais là encore, la loi reste étonnamment silencieuse : rien n’impose légalement de privilégier MAX. La pression est donc implicite, par la promotion officielle et la surveillance, plutôt que par un cadre légal strict. Avec 30 millions de téléchargements, MAX illustre cette tentative de contrôle, tout en restant marginal face aux géants étrangers.
Selon Limonier, ce dispositif reste largement contournable pour ceux qui adoptent une hygiène numérique et savent naviguer dans cet environnement surveillé.
Censure littéraire et répression des libraires
La répression s’étend également à la littérature. Les maisons d’édition risquent des sanctions sévères si elles publient, vendent ou diffusent des ouvrages jugés extrémistes. Les cibles incluent notamment les écrits d’Alexeï Navalny et d’auteurs ou autrices LGBT+. Cette politique entraîne une autocensure généralisée et une disparition progressive de la diversité littéraire.
Les libraires ne sont pas épargnés : beaucoup ont été arrêtés pour avoir vendu des livres jugés extrémistes, montrant que la répression touche tous les maillons de la chaîne culturelle. L’écrivain Sergeï Lebedev, considéré comme « agent de l’étranger », a vu son ouvrage La Dame blanche violer sept articles du code pénal russe. Pour échapper à la censure, il a choisi de le diffuser librement sur Internet.
Un régime où tout peut devenir extrémiste
Au final, comme le souligne Kévin Limonier, l’extrémisme en Russie n’est pas une catégorie stable : il est outil de pouvoir, adaptable à toutes les situations. Cette flexibilité permet au Kremlin de réprimer la dissidence politique, culturelle ou sociale, tout en donnant l’impression d’une légitimité juridique.
Le contrôle de l’information, qu’il soit numérique avec MAX ou culturel avec la censure des livres, illustre une stratégie globale : réduire l’espace de liberté et remodeler la société selon les intérêts de l’État, tout en maintenant un flou juridique qui empêche toute contestation claire.
>> Ecouter l’émission ici ! <<
Tag:cyber, geopolitique, IFG, KevinLimonier, limonier, russie



