La stratégie des jihadistes au Mali avec Jonathan Guiffard

Pour l’Institut Montaigne, Jonathan Guiffard, doctorant à l’IFG et chercheur associé GEODE, analyse la dynamique actuelle des groupes jihadistes au Sahel en s’appuyant sur une analyse prospective publiée en janvier 2023. À l’époque, il anticipait plusieurs évolutions qui se matérialisent aujourd’hui : l’encerclement progressif de Bamako, l’effondrement des milices d’autodéfense, la reprise de la guerre au Nord et la fragmentation accrue du territoire malien.
Bamako sous siège
Depuis plusieurs semaines, la capitale malienne subit un siège logistique mené par la Jama’at Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin (JNIM), affiliée à Al-Qaïda. Les jihadistes ciblent systématiquement les camions-citernes venant de Dakar ou d’Abidjan, provoquant une pénurie de carburant qui ralentit toute la ville.
Mais le JNIM ne cherche pas à s’emparer militairement de Bamako. Le groupe ne dispose pas d’un nombre suffisant de combattants pour contrôler une capitale hostile, et une occupation directe provoquerait un exode massif tout en offrant une cible facile aux forces maliennes et russes. De plus, ses troupes sont déjà dispersées sur une vaste zone, incluant le Mali, le Burkina Faso, l’ouest du Niger ainsi que le nord du Bénin et du Togo.
Sa stratégie consiste plutôt à épuiser la junte, à l’isoler politiquement et à la délégitimer. À terme, le JNIM espère ainsi provoquer soit des négociations, soit un soulèvement populaire, soit un coup d’État interne.
En résumé, comme le souligne Guiffard, le JNIM cherche à renverser le pouvoir sans s’emparer directement de la ville.
Une dynamique régionale confirmée
Les principales tendances anticipées dès 2023 se confirment aujourd’hui sur le terrain.
Le JNIM a étendu son champ d’action à l’ensemble du Mali, y compris dans le sud et l’ouest, tandis que les accords d’Alger apparaissent désormais caducs et que les combats au nord se poursuivent de manière durable. Le Front de libération de l’Azawad (FLA) s’allie de facto au JNIM pour s’opposer aux forces maliennes et russes, et les milices d’autodéfense locales se révèlent incapables de résister aux jihadistes.
Parallèlement, les sièges se multiplient dans les villes moyennes, tandis que l’État islamique maintient un bastion solide dans l’est du pays, demeurant difficile à déloger pour toutes les parties impliquées.
Au Burkina Faso, la trajectoire est similaire, bien que plus lente : l’État se rétracte, les violences intercommunautaires augmentent et le JNIM circule largement, même si Ouagadougou n’est pas encore menacée par un siège comparable à celui de Bamako.
Propagande et influence russe
Face à cet échec militaire, les juntes du Mali, du Burkina Faso et du Niger répondent par une propagande massive, accusant tour à tour la France, les voisins (Côte d’Ivoire, Bénin, Mauritanie, Algérie) ou même certains pays non alignés de soutenir les jihadistes.
Guiffard décrit une narrative « fondamentalement paranoïaque », structurée autour d’un récit d’encerclement inspiré des éléments de langage russes sur l’OTAN. Cette propagande est ensuite amplifiée par des réseaux d’influence et des figures médiatiques très actives en ligne.
Mais, rappelle le chercheur, ces récits ont leurs limites :
« La réalité risque de rattraper les juntes et les populations plus rapidement que la propagande ne le laisse entendre. »
Alors que l’État malien perd pied et que le JNIM consolide ses positions, le brouillard informationnel ne suffira pas éternellement à masquer la dégradation sécuritaire.
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