Où en est le «modèle turc» ?- NORA SENI
Où en est le «modèle turc» ?
TRIBUNE Pendant que les regards sont tournés vers les frontières de la Turquie avec la Syrie et l’Irak, la société civile turque, elle, continue d’encaisser nouvelles lois et réglementations qui la polarisent et islamisent sa vie quotidienne, peut-être durablement. Dans son allocution du 26 septembre, le nouveau Premier ministre, Ahmet Davutoglu, exprimait son souhait de voir les centres commerciaux inaugurer leur journée par des prières collectives des propriétaires de magasins (comme le faisaient dans le passé, ajoute-t-il, les membres des organisations corporatives de fraternité musulmane, les ahi). Dans sa stratégie de polarisation tous azimuts l’ancien Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, envahissait déjà le discours public de références islamiques, religieuses et morales dont il se servait comme autant d’éléments pour légitimer ses choix, négligeant les arguments fondés sur l’intérêt collectif et sur le droit. Justifiant le soutien de la Turquie aux «frères syriens» – entendre les forces anti-Assad – n’avait-il pas, voici deux ans déjà, évoqué sa crainte s’il ne leur venait en aide, de voir un prophète venir lui reprocher, une fois dans l’au-delà, son absence de solidarité avec ses coreligionnaires. Ainsi, le discours public est inondé de références religieuses, qui se diffusent jusqu’au «camp laïc», culpabilisé de moins bien se faire entendre auprès des masses conservatrices. Lire la suite